Saïd Bennajem, entraîneur du Boxing Beats d’Aubervilliers
Propos recueillis par Thierry Raynal | 05 Févr. 2015, 07h00 | MAJ : 05 Févr. 2015, 04h46
(LP/Icon Sport/André Ferreira.)
Le 18 janvier, lors de l’émission « Sept à huit », Jamel Debbouze a tenu à vanter le travail de Saïd au Boxing Beats. Douze jours après les attentats qui ont secoué la France, l’humoriste a mis en exergue le combat de celui « qui propose aux gamins de canaliser leur frustration et leur violence en frappant dans des sacs ».
« Et comme ils adorent ça, ils reviennent, poursuivait Jamel. Mais s’ils veulent revenir, il faut qu’ils aient de bonnes notes. Il a fait des champions du monde alors que des gamins de la salle sont allés à Sciences-po. » A l’image de Sarah Ourahmoune, médaillée d’or mondiale en 2008.
Saïd de Boxing Beats, c’est Saïd Bennajem (46 ans), ex-champion et créateur, il y a seize ans, de ce qui est devenu plus qu’un club de boxe à Aubervilliers. Quatre jours avant d’accompagner à Pessac (Gironde) trois de ses cinq boxeuses qualifiées en demi-finale des Championnats de France, l’entraîneur nous a accueillis au Boxing Beats qu’il décrit comme une « boîte à idées ».
Qu’avez-vous ressenti lorsque Jamel Debbouzze a souligné votre travail sur TF 1 ?
SAÏD BENNAJEM. J’étais devant ma télé, mais quelqu’un a sonné à la maison lorsqu’il a parlé de moi. Je l’ai loupé… Quelques minutes après, j’ai reçu plein de messages me disant qu’il avait évoqué le boulot fait au club.
Quelles relations entretenez-vous avec lui ?
Je l’ai rencontré il y a trois ans. Il avait vu le documentaire réalisé par son épouse, Mélissa Theuriau, pour M 6. Il m’a dit vouloir nous aider. Je sais qu’il garde un oeil sur le club et il n’oublie jamais d’envoyer des invitations à ses spectacles pour nos jeunes. Un jour, on fera des choses ensemble. J’en suis sûr.
A la suite des attentats, votre émotion a été semblable à la sienne…
Les drames de janvier m’encouragent à me battre encore plus. Il y a un vrai travail à faire car on peut encore changer les choses. Si on a un discours positif, les jeunes réfléchissent. Même si tout n’est pas juste, on a tout en France pour réussir. Il y a de l’espoir et c’est trop facile de dire que c’est la m…
Sur les réseaux sociaux, vous avez évoqué votre jeunesse dans un XIXe arrondissement aujourd’hui stigmatisé. Vous parlez d’une mixité qui vous a nourri…
J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 22 ans. J’ai découvert la boxe dans la salle Perrier et j’habitais dans une cité. Mais je n’ai jamais fait de conneries. A l’époque, peu importaient les religions ou les origines, on était tous des potes. Aujourd’hui, les jeunes ne sortent pas de leur quartier. Mais d’un autre côté, on ne leur fait pas confiance. Il y a pourtant plus de choses positives que négatives en banlieue. Je peux comprendre que celui qui vit dans sa province, va au labeur tous les jours et voit des jeunes tout casser, ait envie de voter Marine Le Pen. Cependant, c’est facile d’écouter les gens qui divisent. Moi, ce que je veux, c’est rassembler.
N’êtes-vous pas plus un éducateur qu’un entraîneur ?
Quand j’ai créé ce club, ce n’était pas seulement pour la pratique de la boxe. Je souhaitais mettre en place des projets extra-sportifs. Ça a mis du temps, mais on y est arrivé avec l’aide de la ville qui nous donne carte blanche. Etre champion du monde, c’est bien. Mais champion du monde à l’école, c’est mieux.
Votre salle du Boxing Beats est donc un lieu d’insertion sociale ?
Depuis plusieurs années, nous avons mis en place des cours de soutien scolaire avec une institutrice bénévole qui pratique aussi la boxe. Avec notre présidente, Natacha Lapeyroux, et Sarah Ourahmoune, nous montons des projets éducatifs comme récemment Points à la ligne et Caméra aux poings, qui mettent en avant l’apprentissage du journalisme et la rencontre avec des professionnels de différents secteurs. On veut que nos jeunes s’investissent et ça fonctionne. Grâce à notre partenariat avec le Stade de France, trois membres du club viennent dernièrement d’être embauchés. On n’est plus une association loi de 1901, mais un lieu d’utilité publique.
La boxe vient donc au second plan ?
Elle ne fera jamais vivre nos gamins. Mais par ses valeurs, elle va les aider dans la vie. Entre les cordes d’un ring, on peut se révéler, se dépasser, s’affirmer. Au club, beaucoup de gamins ont repris confiance en eux et certains sont passés de la galère à la vie active.
Quel est votre discours face à un jeune en difficulté ?
Je ne comprends pas qu’un gamin de 15 ans dise « je galère ». Je n’aime pas les pleurnichards. Ce jeune, il a son avenir devant lui. Mais il faut aussi lui dire qu’il a du talent et des qualités à exploiter.
On dit souvent que la boxe est une école de la vie…
Ça a marché pour moi qui ai eu le choix entre le ravin et l’Insep. Aujourd’hui, je transmets ce que j’ai appris. Remporter un combat, c’est bien, mais c’est d’abord dans la vie qu’il faut gagner.